SOMMAIRE |
L'acquisition en 1989 d'un magnifique
plant
d'Heliamphora minor et les satisfactions qu'il me
donna m'incitèrent à poursuivre plus avant l'aventure de la culture d'autres
espèces
de ce
genre
en dépit des difficultés de culture affichées par la bibliographie et surtout de la
grande difficulté à se procurer alors d'autres
espèces.
Après 6 saisons de végétation mon intérêt pour ce
genre
n'a fait que croître et m' incite à faire partager ci-après ces quelques éléments
d'information glanés ça et là dans la bibliographie et ma bien modeste expérience en
la matière.
Le mont Roraima (2730 m) est le seul tepuy dont le sommet soit accessible à
pied; c'est d'ailleurs sur ce tepuy que fut découvert par Hermann SCHOMBURG en 1839
le premier HELIAMPHORA auquel Georges BENTHAM du jardin botanique de Kew à Londres
donera le nom d'Heliamphora nutans (1841).
Les difficultés d'accès sont telles qu'il faudra attendre 1928 pour qu'une expédition
menée par G. H. TATE sur le mont Duida découvre d'autres
espèces
décrites par H. A. GLEASON (H. tatei macdonaldae
et tyleri qui seront regroupées sous une même
espèce).
Par la suite TATE collecta H. minor en 1937 sur
l'Auyan Tepuy puis il fallut attendre 1951 pour que Julian STEYERMARK découvre
H. heterodoxa sur le Ptari Tepuy puis Bassett
MAGUIRE H. ionasii en 1952 sur l'Ilu tepui et
H. neblinae en 1953 sur le cerro de
la Neblina (ces deux espèces n'étant décrites et nommées qu'en 1978 !
H. neblinae deviendra en 1984 une
variété
d' H. tatei). De nouvelles formes et variétés sont
aujourd'hui encore ramenées d'expéditions lancées dans cette région par les
Américains les Vénézuéliens et les Allemands et attendent d'être décrites et nommées.
La taxonomie de ce
genre
a posé et semble toujours poser des difficultés aux botanistes. Ces difficultés
semblent liées à la variabilité importante rencontrée au sein de chaque
espèce
du fait de conditions écologiques sensiblement différentes.
Ainsi est il rapidement apparu que la taille et la forme des urnes étaient des caractères
pouvant prêter à confusion dans la différentiation des
espèces.
Les caractères les plus fiables apparaissent dans la fleur et nécessitent parfois
une observation très détaillée au microscope (absence ou présence de pubescence).
De surcroît il est quasiment impossible de différencier les
espèces
au stade juvénile.
La difficulté de reconnaissance peut être accrue par le fait que la
répartition géographique de certaines
espèces
se recoupe sur quelques tepuys et que les HELIAMPHORA tout comme leurs cousines
nord Américaines les Sarracenies s'hybrident naturellement (phénomène observé sur
la chaîne du Chimanta tepuy entre H. minor et
H. heterodoxa et sur le Tramen tepuy entre
H. nutans et H. ionasii).
A cette date le
genre
HELIAMPHORA regroupe donc 5
espèces
distinctes, 4
variétés
et au moins 6 formes:
H. nutans |
Le climat au sommet des tepuys est particulièrement rude : pluies et vents violents
très forte nébulosité pouvant alterner avec une violente luminosité amplitude thermique
journalière importante; les précipitations annuelles y sont de l'ordre de
2500 m et la température journalière, à peu près stable sur l'année, varie de 1° à 26°C
environ, ces derniers chiffres variant avec l'altitude (de légères gelées ont été observées
sur les plus hauts tepuys). La nébulosité y est excessivement élevée ne permettant que
de rares moments de soleil au petit matin, avant que les nuages orageux montant de la
forêt Amazonienne ne viennent noyer les sommets dans un halo de brouillard suivi
de fortes pluies. Il arrive toutefois que de courtes périodes sans pluies surviennent
(la saison "sèche" s'échelonne de novembre à mars avec un pic en janvier-février)
dégageant le sommet des tepuys de leur habituel manteau nuageux. La luminosité y est
alors d'une très grande intensité sous l'effet combiné de l'altitude et de la proximité
de l'équateur.
En milieu naturel une même
espèce
d'HELIAMPHORA peut atteindre une taille allant du simple au quadruple en fonction
du milieu où elle se trouve; ainsi un pied poussant sur un sol suffisamment profond,
bien alimenté en eau et abrité du vent et du soleil sera beaucoup plus développé
qu'un pied exposé aux intempéries sur un sol plus superficiel et séchant mais qui
sera en revanche beaucoup plus coloré.
En tout état de cause la croissance des HELIAMPHORA en milieu naturel reste très
lente (3 à 4 feuilles par an).
Signalons ici le cas particulier d'H. tatei
qui dispose de tiges dendroïdes (tiges rigides ressemblant à des troncs) au sommet
desquelles se développent les urnes lui permettant de la sorte d'aller chercher les
insectes au-dessus des plantes environnantes en atteignant des hauteurs de 1 50 à 4m.
Selon les
espèces
la taille des urnes adultes varie de 5 à 50 cm les plus petites étant
H. minor et H. nutans
(5/30cm) les plus grandes H. ionasii et tatei
(12/50cm) en passant par H. heterodoxa (12/42cm).
Don Schnell vient d'apporter récemment un nouvel éclairage sur le mode de
reproduction et la capacité des Héliamphoras à capturer des proies ("Pollinisation of
Heliamphora" et "Heliamphora : the nature of its nurture" (1995) CPN 24 pp23/24 &
4/42).Il s'appuie sur des études réalisées en milieu naturel par Renner sur le
Cerro de la Neblina (1985) et quatre botanistes vénézuéliens (Jaffre et al. 1992) qui
ont passé 9 ans à étudier les 5
espèces
d'Heliamphora sur 11 tépuys différents. Ces études ont été omplétées par des examens de
laboratoire qui ont permis de mettre en évidence la production
d'enzymes
par H. tatei dans certaines conditions de stations.
Les 4 autres
espèces
en sont semble t-il dénuées. Les éléments assimilables par la plante sont alors les
produits de la décomposition bactérienne (comme chez
Darlingtonia californica et
Sarracenia purpurea) et les résidus de la faune et
flore commensales habitant les urnes de nombreux
plants.
La quantité et le type de proies capturées semble varier sensiblement en fonction
des conditions écologiques rencontrées sur les divers tépuys certains d'entre eux
n'accueillant qu'une flore éparse et basse pauvre en insectes (Roraima Kukenan) tandis
que d'autres hébergent une végétation dense d'arbustes et buissons de plusieurs mètres
de haut et une vie animale plus active. Les cuillères à nectar y jouent alors pleinement
leur rôle et permettent ainsi d'attraper abeilles moustiques et autres diptères
(H. tatei) fourmis voire occasionnellement des
scarabées et scorpions pour les
espèces
les plus basses. Les abeilles et bourdons semblent jouer un rôle important ans la
pollinisation d'H. tatei sur le Cerro de la Neblina.
Les HELIAMPHORA développent de longues racines et aiment avoir de la place.
Des pots de 20 cm de diamètre sont donc tout à fait indiqués pour des
plants
adultes.
Le
compost :
Le
compost
utilisé pour HELIAMPHORA doit avant tout être drainant. A partir de là il existe
de nombreuses recettes qui semblent donner satisfaction :
|
Le rempotage reste une opération délicate pour les HELIAMPHORA. Celles-ci sont en
effet très cassantes tant au niveau des urnes que des racines ces dernières l'étant
d'autant plus qu'elles sont longues. Les racines seront débarrassées de leur ancien
substrat par un bain et replacées délicatement dans leur nouveau pot en tassant le
nouveau substrat légèrement au fur et à mesure. La plante sera ensuite bassinée pour
permettre au nouveau substrat de bien se mettre en place.
Comme pour la majeure partie des plantes
carnivores
il est nécessaire d'utiliser de l'eau déminéralisée ou de l'eau de pluie de
bonne qualité (se méfier de l'eau de pluie récoltée après une période de temps sec
ou stockée dans des réservoirs en ciment ou métalliques). De nombreux auteurs
déconseillent de maintenir les pots dans l'eau stagnante et recommandent des
bassinages journaliers en arrosant la plante par le dessus et en veillant à ce
que les urnes contiennent toujours de l'eau. D'autres auteurs et moi-même laissons
les pots continuellement dans 1 à 2 cm d'eau tout en maintenant une brumisation
journalière voire un bassinage de temps à autre. Je draine toujours le fond des
pots de 1 à 2 cm de gravillons de quartzite. L'hygrométrie ambiante est aussi très
importante; pour ce faire il est nécessaire de cultiver les HELIAMPHORA en serre ou en
terrarium. Pour permettre une bonne hygrométrie en terrarium il suffit de déposer sur
le fond un lit de gravier de quartzite ou tout autre matériau neutre ou roche
acide
et d'y ajouter de l'eau affleurant la surface de ce lit les pots reposant directement
sur ce gravier. D'autres utilisent le système à NEPENTHES en installant une grille
au-dessus de l'eau de telle sorte que le fond des pots ne soit pas en contact avec
l'eau. J'ai cultivé H. minor
(plant
adulte) pendant deux ans en appartement sur une simple soucoupe l'hiver et en
extérieur à la belle saison. La croissance était normale mais j'obtenais des urnes
déformées très évasées dans le haut et très étroites à la base sans cuillère à nectar.
C'est là que réside une des clés de la réussite. Comme on a pu le voir plus haut les
températures journalières oscillent entre 1° et 26°C. Sauf équipement particulier
cette amplitude est quasiment impossible à obtenir en culture. Le point important
est la fraîcheur la majeure partie des HELIAMPHORA poussant autour de 2000 m d'altitude.
Pour les serres il convient donc de les ombrer lorsque les températures avoisinent les
28°C et de brumiser plus fréquemment les
plants.
La serre pourra utilement être ouverte la nuit si cela peut procurer un peu de fraîcheur
en permettant de la sorte de recréer cette alternance de température
jour-nuit. En hiver il est tout de même déconseillé de descendre au-dessous de 4°C
même si un
plant
adulte bien établi peut résister sans trop de dommages à de légères gelées. Les
plants
résisteront d'autant mieux aux basses températures nocturnes que les températures diurnes
seront élevées. En ce qui concerne la culture en terrarium l'alternance de température
peut être facilement acquise en le plaçant dans une pièce non chauffée et en
évitant que le soleil ne donne directement dessus la température intérieure s'élevant
alors très vite. La température diurne plus élevée est entretenue par la chaleur
dégagée par les néons qui s'éteignant la nuit la font retomber le tout couplé avec la
variation thermique extérieure qui influe indirectement sur toute pièce non chauffée.
Pour l'hiver un petit chauffage d'appoint de type résistance pour vivarium (penser à
adapter la puissance avec la taille du terrarium) peut s'avérer utile en phase diurne
pour maintenir ces températures à un niveau plus élevé. J'ai ainsi placé mon terrarium
dans mon garage attenant à la maison. Contrairement aux autres plantes
carnivores
c'est l'été qui constitue la période critique les températures oscillant entre 20
et 28°C au maximum entre jour et nuit. D'après certains auteurs une température stable
sur l'année oscillant de 12 à 24°C serait parfaite.
Les HELIAMPHORA n'ont pas d'époque de dormance véritable. La croissance est
ralentie toutefois en hiver et il est déconseillé de laisser les
hampes
florales apparaissant à cette époque se développer celles-ci pouvant épuiser la plante.
Les HELIAMPHORA vivent sur des substrats très pauvres et n'attrapent que très peu
d'insectes tant en milieu naturel qu'en serre semble-t-il ce qui a d'ailleurs fait
douter un temps de leurs capacités
carnivores
: ni HOOKER (compréhensive review of the carnivores-1875) ni CURTIS (botanical magazine-1890)
ne mentionnent le
genre
comme
carnivore
bien que découvert depuis 1839 et introduit avec succès en culture en 1881 par
David BURKE pour le compte de la célèbre pépinière anglaise VEITCH. Il fallut
attendre la publication du Dr J. M. MACFARLANE pour que le
genre
soit effectivement associé aux plantes
carnivores
à urnes (Observation on pitchered insectivorous plants-1889 & 1893). Plus récemment
C. CLAYTON va même jusqu'à se demander si le
genre
ne serait pas plutôt consommateur des poussières riches en minéraux précipitées par
les pluies équatoriales en se basant sur l'observation des boues
trouvées au fond des urnes d'HELIAMPHORA. Il étaye sa démonstration en rappelant
qu'une urne d'H. ionasii filtre au bas mot 200
litres d'eau de pluie pendant sa vie. Toutefois certains auteurs recommandent
l'usage d'engrais foliaires du type de ceux utilisés pour les NEPENTHES. Ils
permettent d'obtenir une croissance plus soutenue et des urnes mieux formées.
Les seuls parasites connus sur HELIAMPHORA sont les pucerons les
cochenilles
et le botrytis. Ce dernier peut être évité en maintenant une aération suffisante
sur la culture et en prélevant systématiquement les parties mortes. J'ai combattu très
efficacement le puceron avec un insecticide à base de Deltaméthrine. Les
cochenilles
peuvent être combattues avec des produits à base de Malathion. Il est absolument
déconseillé d'utiliser des insecticides ou
fongicides
à base de cuivre.
La multiplication par semis semble une opération délicate tant au niveau de la
fécondation que de la croissance des
plantules
parmi lesquelles le taux de mortalité est souvent élevé. Comme indiqué plus haut il
est nécessaire de pratiquer la pollinisation croisée pour obtenir quelques chances
de succès. Le
stigmate
arrive à maturité dès l'ouverture de la fleur et ne le reste que peu de jours suite
à quoi il n'est plus réceptif au pollen de la fleur qui arrive à son tour à maturité.
Il importe donc de collecter du pollen sur une autre fleur et de le transférer sur le
stigmate
d'une fleur venant juste de s'ouvrir. Certains auteurs ont ainsi pu aboutir à la création
d'hybrides
horticoles entre H. minor VH. heterodoxa
H. nutans et même pour l'un d'entre eux avec
H. ionasii. Les semis sont réalisés sur tourbe ou
sphagnum
haché ce dernier milieu ayant l'inconvénient de recouvrir rapidement les jeunes
plantules
qu'il convient alors de repiquer. Celles-ci sont maintenues à plus de 20°C en lumière
tamisée et lèvent sous 6 semaines environ. Il est même rapporté que des graines
continuaient de germer 9 mois après leur semis. Les
plantules
sont extrêmement délicates et le
repiquage
doit être très méticuleux. Il arrive malgré tout que la mortalité soit importante la
croissance des
plantules
restant de toute manière très lente.
Le bouturage reste encore aujourd'hui la méthode la plus sûre de multiplier les
HELIAMPHORA abstraction faite de la micro propagation in vitro
que certains auteurs commencent à bien maîtriser mais qui reste l'apanage d'une "élite".
Cette opération peut se pratiquer dès que les signes d'une reprise de végétation soient apparus au printemps. La plante à diviser doit être suffisamment développée pour ne pas l'affaiblir. Elle est délicatement sortie de son pot à l'occasion du rempotage par exemple et sa partie souterraine lavée dans l'eau. Le rhizome sera sectionné de manière nette par un outil coupant et devra comporter au moins 3 à 5 urnes.
COTTER mentionne le bouturage d'un fragment de rhizome dénué de feuilles; celui-ci reprit au bout de 6 mois. La bouture de feuille est également possible mais apparaît plus aléatoire en fonction des espèces. Elle donne de bons résultats avec H. heterodoxa et H. minor au moins. Lors du rempotage de printemps l'urne doit être délicatement prélevée du rhizome en s'assurant qu'elle s'enlève bien au ras du rhizome. Elle est ensuite conduite à plus de 20°C en lumière tamisée avec une forte hygrométrie dans un milieu drainant de type Sphaigne. Le Dr DEGREEF mentionne également une tentative de bouturage d'une bractée ayant les caractères d'une feuille. |
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