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Pris séparément les deux mots " PLANTE" et "CARNIVORE" sont tout ce
qu'il y a de plus banals. Pour beaucoup de nos contemporains, une "plante" ne peut être en
appartement qu'un objet décoratif, présentant l'inconvénient de se détériorer
assez vite. Il est parfois possible de la conserver quelque temps en lui fournissant
périodiquement sa ration d'eau, mais il est parfois plus simple d'en racheter une nouvelle
dès que la précédente n'est plus présentable. Une plante est quelque chose de
statique, passif, qui ne peut que subir son environnement, sans toutefois agir dessus.
Lorsque ces deux mots se retrouvent accolés là on ne reste pas indifférent. Comment
des plantes peuvent-elles faire preuve d'un comportement strictement animal ? N'ont-elles pas
été créées pour servir de nourriture aux animaux (Génèse I, 29-30) ?
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Les Plantes Carnivores mériteraient plutôt le qualificatif d'insectivores. Leurs proies peuvent cependant être des petits crustacés, des arachnides, des mollusques. Bien qu'il ait été retrouvé dans les plus grands pièges de Nepenthes rajah (Bornéo) des grenouilles et même des petits mammifères, il reste que ces captures ne sont qu'exceptionnelles et ne constituent chez aucune plante l'essentiel du menu. |
La très grande majorité des plantes
carnivores
pousse en des milieux très pauvres en matières nutritives: le sol délavé des marécages,
les rochers perpétuellement humides sur les berges des torrents de montagne, la vase de
certains bords d'étang. Même les Nepenthes des forêts
tropicales poussent parfois en
épiphytes
sur de grands arbres ou dans les amas de débris végétaux qui s'ammoncellent sur le sol.
La lutte pour la survie dans de tels milieux favorise les végétaux qui ont développé des
mécanismes nutritifs originaux. Tous ces milieux humides regorgent d'insectes en tous
genres, il est donc tout naturel que certaines plantes parviennent à en profiter.
Il faut dans un premier temps attirer la proie. Beaucoup de moyens sont mis en oeuvre, de la couleur vive de certaines urnes (Nepenthes, Sarracenias), à la production de substances sucrées (Nepenthes, Sarracenias, Heliamphora, Dionée...), il faut rajouter certaines odeurs difficilement décelables par un nez humain (Pinguicula, Drosophylum...) et l'aspect humide de nombreuses gouttelettes (Byblis, Drosera, Drosophylum). Nous sommes en droit également de supposer d'autres stratagèmes car nous savons bien peu de choses de la sensibilité et du goût des insectes. |
Une fois la proie attirée, il est possible de la coller grâce à des mucilages
produits par certaines catégories de glandes pédonculées (Byblis,
Droséra, Drosophylum,
Pinguicula...), de refermer très rapidement une cage autour
(Aldrovanda, Dionée),
ou même de l'aspirer dans une poche digestive (Genlisea,
Utricularia).
Mais parfois il faudra la rassurer pour qu'elle pénètre à l'intérieur d'une urne
(Cephalotus, Darlingtonia,
Heliamphora, Nepenthes,
Sarracenia). Certaines comportent un couvercle transparent
qui laisse passer la lumière (Cephalotus,
Darlingtonia, certains
Sarracenia). Ainsi la proie, croyant voir une issue
au-dessus d'elle, pénètrera sans se méfier dans le piège fatal. Certains
Sarracenia produiraient dans la sécrétion sucrée qui
entoure l'entrée de l'urne des substances ayant un effet stupéfiant sur les insectes.
Complètement "ivres" ceux-ci trébucheraient plus facilement à l'intérieur du piège.
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Dans tous les cas ne seront absorbées que les parties internes molles de l'insecte.
La carapace restera au fond de l'urne ou sera emportée par le vent, à moins que la feuille
responsable de la capture n'ait été déjà remplacée par une nouvelle.
Certaines théories ont pu fixer à la fin de l'ère secondaire (crétacé) l'apparition de la
famille
des Droséracées.
Il s'agirait d'une plante possédant des poils collants sur lesquels accidentellement se
collaient des insectes. Quel intérêt y trouva la plante ? Il est probable qu'au départ
la dégradation bactérienne des insectes déposait aux pieds de la plante les produits de leur
décomposition qui pouvaient alors être absorbés par les racines.
Aujourd'hui les deux
espèces
de Roridula d'Afrique du Sud sont à ce stade de l'évolution vers la carnivorité.
On ne doute plus aujourd'hui de la faculté de beaucoup de végétaux d'absorber des
produits divers par leur feuillage. L'utilisation actuelle d'engrais foliaires, d'insecticides
ou d'herbicides systémique en est la confirmation.
Pourquoi ne pas supposer qu'une plante capturant les insectes puisse absorber les produits
de leur décomposition directement par la surface des feuilles ?
Le stade ultime du perfectionnement a été de secréter des
enzymes
digestives (Drosera,
Drosophylum, Pinguicula...).
L'évolution des Sarraceniacées est tout aussi fascinante. On peut même chez les
espèces
actuelles retrouver les différents stade de l'évolution. Le piège à urne serait
l'aboutissement de la fermeture en cornet d'une feuille de type nénuphar.
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En France, la Rossolis (Drosera) et les
Grassettes (Pinguicula) sont connues depuis une période
bien antérieure à la reconnaissance de leur caractère
carnivore.
Les magiciens et sorciers médiévaux remarquèrent vite l'étrangeté des
Drosera.
Il virent dans leur faculté de rester parés de mille gouttelettes même en plein soleil, le
signe d'une alliance magique entre la plante et l'astre, et peut-être même avec le Diable
lui-même.
Les alchimistes pensaient donc que la plante contenait l'un des constituants de la pierre
philosophale qui transformait le plomb en or.
Cette réputation de plante maléfique n'empécha pas la plante d'être utilisée pour ses propriétés médicinales. On l'utilise en application contre les verrues ou les brûlures dues au soleil, en infusion pour soigner la toux et diverses affections pulmonaires. La plante semble aussi posséder des propriétés antibiotiques expectorantes et diurétiques. |
Les grassettes sont aussi connues depuis longtemps par les bergers. Si la plante est
réputée être un poison pour les moutons, leur faisant gonfler le ventre et "pourrir le foie",
il n'empêche que les propriétés cicatrisantes, adoucissantes du mucilage gluant ont été
utilisées autant pour l'homme que pour les animaux.
L'acidité du suc a la propriété de faire cailler le lait. Certains fromages scandinaves
sont faits avec une
variété
nordique de Grassette.
"Car combien qu'elle soit battue du soleil en été, ses feuilles ne laissent pas
pour cela d'être couvertes de rosée et de petites gouttes d'eau: ainsi, au contraire, il
semble que tant plus le soleil est chaud, cette humidité s'augmente et
s'entretient; tant s'en faut qu'elle diminue."
ou du Sarracenia d'Amérique: "... plus on considère celle-ci, plus on en admire la structure: sa fleur semble être un dais d'étoffe jaune dont les pétales forment les rideaux.; ses feuilles roulées ont l'air de corne d'abondance. Chacune contient environ une pinte d'une eau fraîche, limpide, pure comme la rosée du matin."(J. Dalechamps, Histoire générale des plantes, 1615)
La présence de petits animaux n'éveille pas la curiosité, tout au plus observe-t-on bizarrement que les réservoir d'eau de la plante américaine doivent servir "d'asile et de retraite sûre à de nombreux insectes" qui peuvent échapper ainsi aux grenouilles et aux autres prédateurs.(W. Bartram, Voyage en Amérique, 1791 )
Avec la découverte de la Dionée, la capture des
insectes est indiscutable, la question est de découvrir dans quel but un végétal est-il
doté de feuilles aussi sophistiquées. L'anglais J. Ellis soupçonna le mode de
nutrition de cette plante et adressa à C. Linné un spécimen sec et une
description détaillée de la plante. Cependant le botaniste suédois préféra classer le
phénomène de "miraculum Naturae" dans les limites de l'extraordinaire et de
l'accidentel. Il faudra attendre 1875 pour que la publication de "Les Plantes
Insectivores"
de C. Darwin marque un tournant dans l'étude des Plantes
Carnivores.
Ceci va être le début d'interminables controverses entre
les partisants de la carnivorité végétale et ses adversaires.
Les recherches contemporaines ont aujourd'hui mis en évidence les processus
d'assimilation dont disposent certaines de ces plantes, confirmant définitivement les
théories darwiniennes. Aujourd'hui encore la liste des
plantes reconnues
carnivores
ne cesse de s'allonger.
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